Quel est le point commun entre Niki Lauda, le Sierrois Roger Rey et Alain Prost? Tous les trois sont nés à la fin du mois de février, respectivement les 22, 23 et 24 février, et tous les trois ont marqué, toutes proportions gardées, l’histoire du sport automobile à leur manière. Niki Lauda et Alain Prost en ayant remporté à eux deux sept titres de champions du monde de F1 et Roger Rey en ayant été l’idole des skieurs Roland Collombin et Philippe Roux qui ont été ravis de participer le week-end dernier au 90ème anniversaire du pilote valaisan aux plus de 950 courses. Un pilote qui a notamment couru contre Niki Lauda en Formule V et contre Alain Prost en Formule 3.
« Quel grand honneur pour Roland et pour moi d’avoir été conviés à ton 90ème anniversaire. Nous t’avons connu quand nous n’étions que de jeunes champions de ski alors que tu étais déjà un grand champion de Formule 3 et que tu étais notre idole. » Tels ont été quelques-uns de propos tenus par Philippe Roux lors du 90ème anniversaire de Roger Rey que sa fille Pascale Rey avait organisé en invitant non seulement les champions de ski Roland Collombin et Philippe Roux, mais également de nombreux pilotes à commencer par Georges Gachnang, le grand-père de Sébastien Buemi, Jean-Jacques Dufaux, Charly Croset et Joël Grand, pour n’en citer que quatre.
On rappellera ici que Roger Rey avait invité, au milieu des années septante, Philippe Roux et Roland Collombin à essayer sa monoplace de F3 en Italie, sur le circuit de Casale qui accueillait à l’époque une épreuve du championnat de Suisse de vitesse. Si Philippe Roux avait pu répondre favorablement à cette invitation, il n’en allait pas de même pour Roland Collombin. Collombin garda cependant des contacts étroits avec Roger Rey car c’est ce dernier qui assurait l’entretien de sa Porsche 911 à Sierre. Et Roland Collombin a pu par la suite essayer une autre monoplace, en l’occurrence la F2 de Jo Vonlanthen sur le circuit de Hockenheim. Un essai, sans lendemain même si Roland Collombin avait pu compter sur les conseils avisés de Clay Regazzoni qu’il avait rencontré au Grand Prix d’Italie de F1 en 1976.
Pour Philippe Roux, en revanche, l’essai de la monoplace de Roger Rey allait déboucher sur une belle carrière en sport automobile. Une carrière marquée notamment par une participation aux 24 Heures du Mans en 1979 et trois victoires absolues au Rallye du Valais en 1978, 1988 et 1992.
Un Rallye du Valais que Roger Rey a également remporté, en 1961, sur une Renault Dauphine Gordini, alors qu’il s’appelait encore Rallye du Vin. Mais Roger Rey n’a pas seulement été un pilote qui a remporté de nombreuses victoires, qu’il s’agisse de victoires absolues ou de victoires de catégorie, il a également été à l’origine de toutes les courses de côte organisées en Valais et a même été constructeur de monoplaces, les célèbres Roger-Formule V. C’est d’ailleurs lors d’une épreuve du championnat d’Europe de Formule V, disputée en 1969 sur le circuit de Hockenheim, que Roger Rey allait côtoyer Niki Lauda. Ce dernier ne resta cependant pas longtemps en Formule V. La même année, le futur champion autrichien disputa les 1000 Km de l’Österreichring au volant d’une Porsche 910 avec laquelle il termina 21ème d’une course remportée par Jo Siffert sur sa Porsche 917.
Roger Rey a bien entendu également côtoyé Jo Siffert durant sa longue carrière, notamment aux Rangiers, où le pilote fribourgeois s’imposa à cinq reprises (1963, 1965, 1966, 1967 et 1968), mais également à la course de côte internationale de Sierre-Montana de 1960. Jo Siffert n’y était encore qu’un jeune débutant au volant d’une Stanguellini déjà dépassée avec son moteur à l’avant.
Après sa victoire au Rallye du Vin en 1961, Roger Rey termina ce même rallye au sixième rang en 1965, au volant d’une Alfa Romeo. Il faisait alors équipe avec Gaston Clivaz, le futur président de la commune de Chermignon. Bien des années plus tard, en 1987 pour être précis, le Rallye international du Valais a vu la participation de son fils Alain Rey en qualité de navigateur de l’auteur de cet article, dans l’habitacle d’une Alfa Romeo Alfasud Ti groupe N. Ce devait être hélas la seule participation en rallye d’Alain Rey, brillant pilote de monoplace tout comme son père. Alain Rey décéda en effet en 1992 dans un accident de la route.
Après la mort de son fils bien-aimé, Roger Rey faillit laisser tomber la course automobile. «Mes amis pilotes m’ont cependant poussé à continuer en me disant: « Si tu arrêtes, on arrête aussi! ». J’ai alors continué et je ne le regrette pas. Le fait d’avoir été entouré de jeunes pilotes m’a fait le plus grand bien dans ces moments difficiles», devait nous confier Roger Rey qui a mis un terme à sa carrière de pilote en 2018, dans sa 85ème année, en participant pour la 53ème fois de sa carrière à la course de côte de Saint-Ursanne – Les Rangiers!
« Ta carrière a été magnifique, mon cher Roger. Tu ne nous as pas seulement donné à Roland et à moi le goût de la vitesse et de la compétition qui nous a permis de devenir des champions de ski et de bons pilotes, mais tu as également su insuffler autour de toi ta grande gentillesse, ton énorme volonté et une sportivité à toute épreuve. Une sportivité qui me fait penser à celle d’une autre Roger, en l’occurrence Roger Federer », a relevé Philippe Roux au terme de son allocution filmée par le cinéaste Gaël Métroz qui prépare un film sur Roger Rey.
Très ému, Roger Rey a tenu à remercier non seulement Philippe Roux et Roland Collombin, mais également sa fille Pascale et toutes les personnes présentes à son 90ème anniversaire: « Dans les années soixante, lorsque j’ai dû faire le choix entre m’engager à fond dans la course automobile ou acheter une maison, j’ai préféré penser à mon épouse et à mes enfants. J’ai ainsi choisi la maison tout en gardant la compétition comme hobby. Je ne le déplore pas. Ce qui me fait particulièrement chaud au cœur aujourd’hui, c’est de savoir que le jour où je ne serai plus là, le jour où j’aurai rejoint mon fils Alain et mon épouse Marylou, respectivement décédés en 1992 et en 2018, j’aurai laissé quelque chose aux jeunes qui aiment le sport automobile. Je pense à des épreuves telles que les courses de côte d’Ayent-Anzère et de Massongex-Vérossaz, dont j’ai été l’instigateur et le fondateur. »
Crédits des photos: Laurent Missbauer, Gaël Métroz, Archives Roger Rey, Archives Roland Collombin