LE SALON DE GENÈVE
ENFIN DE RETOUR

Le reportage Sport-Auto.ch du 26 février 2024

Rédaction : Laurent Missbauer
Photographies : L. Missbauer, N. Ferreira, S. Moulin

Enfin ! Le Salon de l’auto de Genève est enfin de retour. Pour la première fois depuis 2019, le Geneva International Motor Show (GIMS) se tiendra en effet du mercredi 28 février au dimanche 3 mars à Palexpo. Il célébrera à cette occasion le 100ème anniversaire de sa première édition internationale. Celle-ci avait eu lieu du 14 au 23 mars 1924 et avait accueilli un certain Enzo Ferrari. Celui qui allait fonder en 1947 la célèbre marque de voitures sportives Ferrari courait à l’époque sur une Alfa Romeo et s’était imposé dans sa catégorie lors du kilomètre lancé organisé le 16 mars 1924 à Eaumorte, entre Bernex et Chancy, dans le cadre du Salon de l’auto. Le millésime 2024 du GIMS a vu un autre Italien se mettre en évidence, Luca de Meo. Le grand patron de Renault n’y a pas seulement dévoilé en première mondiale la nouvelle Renault 5 E-Tech Electric, il a également reçu le prix de «La voiture de l’année 2024» pour la Renault Scénic E-Tech Electric. Reportage à la veille de l’ouverture du salon au public.

Annulé au cours de ces quatre dernières années en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences, le GIMS est de retour. Il n’accueille certes pas autant de constructeurs qu’en 2019, loin s’en faut, mais il ne manque pas pour autant d’intérêt. On en veut pour preuve les différentes premières mondiales qui y ont été dévoilées. Nous vous présentons ici celles qui possèdent un lien plus ou moins direct avec le sport automobile qui est l’ADN de Sport-Auto.ch.

Déjà évoquée en introduction, la Renault 5-Etech Electric est la grande vedette du millésime 2024 du salon. Comme l’a relevé, Gilles Vidal, le directeur du design de Renault, la nouvelle Renault 5 possède de nombreux éléments stylistiques en commun non seulement avec la Renault 5 originelle de 1972, mais également avec la Renault 5 Turbo qui a été présentée en 1978 et qui a remporté de nombreuses courses tout au long de sa carrière.

«La Renault 5 Turbo m’a notamment inspiré les passages de roue qui élargissent la silhouette de la nouvelle Renault 5 E-Tech Electric», a relevé Gilles Vidal. «Ces passages de roue élargis apportent non seulement une assise visuelle, mais renforcent le caractère unique et immédiatement reconnaissable de la nouvelle Renault 5 E-Tech, à l’image de celui de la Renault 5 Turbo.» Sous le capot, on ne trouve cependant pas un moteur thermique mais bien un moteur électrique. S’il est plus compact que celui de la Mégane E-Tech Electric et de la Scénic E-Tech Electric dont il est dérivé, il demeure fidèle à la technologie de prédilection utilisée par Renault, à savoir un synchrone à rotor bobiné. Ce moteur, qui bénéficie en matière de durabilité de l’expérience de ses prédécesseurs, sera proposé en trois niveaux de puissance: 110, 90 ou 70 kW.

Renault 5 E-Tech Electric est le premier véhicule entièrement conçu sur AmpR Small, la nouvelle plateforme Ampere dédiée aux véhicules électriques du segment B. Selon les responsables de Renault, ses atouts sont «un plancher plat, un empattement long (2,54 m), une habitabilité et un volume de coffre (326 litres) optimisés, centre de gravité abaissé et un poids contenu, c’est-à-dire de moins de 1500 kilos». Les premiers véhicules devraient être livrés dès l’automne 2024 à un prix qui n’a pas encore été fixé avec précision. Luca de Meo a évoqué à Genève «un prix d’entrée d’environ 25’000 euros».

L’autre première mondiale présentée à Genève par le Groupe Renault a été la Dacia Sandrider. Il s’agit d’un prototype 4×4 avec lequel la marque roumaine participera au Dakar en 2025 avec les trois pilotes suivants Nasser Al-Attiyah, Cristina Gutierrez Herrero et Sébastien Loeb. Ce dernier a tenu à présenter lui-même cette nouvelle Dacia à Genève, présentation qui tombait le jour même de son 50ème anniversaire! Il nous a confié que le Sandrider est équipé d’un V6 3.0 litres biturbo de 360 ch. D’origine Nissan, il est associé à une boîte de vitesses séquentielle à six rapports capable d’encaisser 539 Nm de couple à 4’250 trs/min et passera entre les mains des équipes Alpine F1 à l’usine de Viry-Chatillon pour la partie développement. Prodrive sera en charge de la partie technique du véhicule. 

Par rapport au Hunter BRX développé par Prodrive avec lequel Sébastien Loeb a participé au Dakar cette année, la Dacia Sandrider dispose d’une suspension et de biellettes qui ont été renforcées. «Notre but est d’être prêt à jouer la victoire dès la prochaine édition», nous a expliqué Sébastien Loeb.

Outre le Groupe Renault, c’est MG qui a fait beaucoup parler de lui à Genève. Le constructeur britannique, désormais en mains chinoises, a en effet présenté en première mondiale la MG3 Hybrid+. «Malgré l’accent mis sur l’efficacité, la technologie électrifiée offre des avantages exceptionnels en matière de performances. Le groupe motopropulseur Hybrid+ fait de la MG3 le modèle hybride du segment B qui accélère le plus rapidement dans sa catégorie, avec un 0 à 100 effectué en à peine 8 secondes. La reprise de 80 à 120 km/h est tout aussi impressionnante avec seulement 5 secondes», ont expliqué à Genève les responsables de la marque. La MG3 Hybrid+ développe une puissance combinée de 194 ch. Elle est équipée d’un moteur à essence 1,5 litre de 102 ch et d’un moteur électrique de 136 ch.

En plus de la première mondiale de la toute nouvelle MG3 Hybrid+, MG a naturellement exposé son très attendu cabriolet Cyberster, dont la présentation avait eu lieu en 2023 à Goodwood. Avec ses deux moteurs électriques et sa transmission intégrale, il confirme son statut de voiture de série la plus rapide et la plus puissante à porter le logo emblématique de MG. Grâce à ses 544 ch, elle accélère de 0 à 100 km/h en seulement 3,2 secondes.

Une autre première mondiale attendue à Genève était la Kimera EVO 038. Ce petit constructeur italien, qui s’est fait connaître en produisant ces dernières années 37 exemplaires de la Kimera EVO 037 (un hommage à la Lancia Rally 037 championne du monde des rallyes en 1983 réalisée à partir de Lancia Beta Montecarlo), a présenté au GIMS la Kimera EVO 038. Il s’agit d’une version à quatre roues motrices de la Kimera EVO 037. Elle a été développée avec l’aide de Miki Biasion, ancien double champion du monde des rallyes, qui s’est déplacé personnellement à Genève.

La Kimera EVO 038 a été dévoilée en présence d’un grand nombre d’anciennes Lancia de course. Il ne s’agissait pas des seules voitures de collections exposées au GIMS cette année. Afin de célébrer le 100ème anniversaire de la première édition internationale du Salon de Genève, organisée, on l’a déjà relevé, du 14 au 23 mars 1924, le GIMS a mis sur pied la Classics Gallery, une exposition de 40 voitures anciennes, dont certaines valent à elles seules le déplacement à Genève. On pense en particulier à la Ferrari 500 Superfast. Il s’agit du premier prototype (châssis 5951) qui avait été exposé au Salon de l’auto de Genève en 1964, quarante ans après la victoire d’Enzo Ferrari au Kilomètre lancé d’Eaumorte, le 16 mars 1924 !

Mais pourquoi donc Enzo Ferrari avait couru à Genève il y a 100 ans ? Tout simplement parce qu’il y habitait et y travaillait. Dans le Journal de Genève de l’époque, on peut notamment lire qu’Enzo Ferrari, Genève, Alfa Romeo, a signé le troisième meilleur temps de la journée en 27’’1. Il n’a été battu que par les Français René Thomas (Delage) et Jules Moriceau (Talbot), respectivement chronométrés en 17’’6 et 25’’3. Aussi bien le «Genevois» Enzo Ferrari que les Français René Thomas et Jules Moriceau ont remporté chacun leur catégorie où ils étaient les seuls inscrits.

Dans le livre «Enzo Ferrari, una vita per l’automobile», publié par son fils Piero Ferrari à partir de notes écrites à la première personne par son père, la «victoire» d’Eaumorte est décrite comme suit: «J’ai remporté en 1924 le Kilomètre lancé de Genève dans la catégorie Sport. Je disposais d’une Alfa RL SS 6 cylindres et avais pu compter sur le talent organisationnel d’Albert Schmidt pour lequel j’avais déjà piloté quelques mois auparavant, pendant la seule période où j’ai travaillé à l’étranger.»

Avant de diriger la Scuderia Ferrari, qui faisait courir des Alfa Romeo à partir de 1930, puis de construire, à partir de 1947, des voitures qui portaient son nom, Enzo Ferrari était en effet un pilote de renom. Il n’était certes pas aussi rapide que Tazio Nuvolari, considéré par beaucoup comme le meilleur pilote de sa génération, mais il a quand même obtenu plusieurs résultats remarquables. Cela dès sa deuxième saison de compétition, en 1920. Cette année-là, il s’est notamment classé 3ème au classement général de la course de côte Parma-Poggio di Berceto, sur une Isotta Fraschini, puis 2ème au classement général de la Targa Florio pour ses débuts avec Alfa Romeo.

Avant d’arriver à Genève, Enzo Ferrari a disputé une quinzaine de courses au volant de différentes Alfa Romeo. Est-ce la raison pour laquelle il a travaillé plusieurs mois, entre la fin de l’année 1923 et le début de l’année 1924, chez Albert Schmidt, qui était à l’époque agent Alfa Romeo au Boulevard James-Fazy à Genève ? C’est fort probable. Enzo Ferrari s’est en effet rapidement aperçu qu’il avait davantage de talent pour faire courir ses voitures et les vendre que pour les piloter. Pourquoi dès lors ne pas s’inspirer du talent organisationnel précédemment évoqué d’Albert Schmidt avant de se mettre à son compte ? Surtout qu’Albert Schmidt n’était pas seulement agent Alfa Romeo, mais également agent Morris et Rolls-Royce.

On relèvera par ailleurs qu’Albert Schmidt ne se contentait pas de vendre ses Alfa Romeo, il les faisait également courir, tout comme le fera plus tard Enzo Ferrari. Outre l’Alfa Romeo confiée à Enzo Ferrari à Eaumorte, deux autres Alfa Romeo étaient en effet engagées lors de cette épreuve, dont une pour Albert Schmidt lui-même qui s’imposait en 31’’3 devant trois autres concurrents dans la catégorie 4 de la classe tourisme. Enzo Ferrari s’est-il donc inspiré d’Albert Schmidt avant de créer sa Scuderia le 1er décembre 1929 ? On l’ignore! Ce qui est certain en revanche, c’est qu’il avait été très impressionné par la Delage 12 cylindres que pilotait à Eaumorte le Français René Thomas. Lorsqu’il deviendra constructeur à son tour, Enzo Ferrari fera ainsi des moteurs 12 cylindres l’une de ses principales marques de fabrique !

Fort de son succès à Eaumorte, où il a établi un nouveau record d’Europe à 203,5 km/h avec la Delage de René Thomas, le constructeur français a attiré beaucoup de monde sur son stand au Salon de Genève. La Delage 12 cylindres de course y était bien entendu exposée. Cela pour le plus grand plaisir de l’envoyé spécial du Journal de Genève qui écrivit: «Avec de telles attractions, le salon va attirer une foule considérable car l’automobile a pris une place prépondérante dans notre société. Le transport et la vitesse sont en effet des facteurs de progrès.»

Au niveau des attractions de cette année, on ne citera pas seulement les 40 voitures de collection de la Classics Gallery, dont la Ferrari 500 Superfast déjà citée et la Renault Espace propulsée par un moteur de F1, en l’occurrence celui qui équipait la Williams-Renault avec laquelle Alain Prost remporta son quatrième titre mondial en 1993, mais également les supercars de l’Adrenaline Zone ainsi que plusieurs voitures de course. Parmi ces dernières on citera les deux protos des 24 Heures du Mans, la Toyota LMP1 Hybrid du Vaudois Sébastien Buemi, quadruple vainqueur des 24 Heures du Mans, et l’Oreca 07 LMP2 du Genevois Louis Delétraz. Ce dernier, vainqueur à de multiples reprises en LMP2, sera présent au salon jeudi 29 février pour une table ronde sur le sport automobile organisée de 18h à 19h avec les pilotes suivants: Louis Delétraz (WEC LMP2, IMSA), Alexander Fach (Porsche Carrera Cup et Porsche Supercup), Ricardo Feller (DTM, GT World Challenge Europe), Thibault Maret (Rallye), Yannick Mettler (GT World Challenge Europe, Hankook Series), Yves Meyer (European Drift Masters) et Fabio Scherer (WEC LMP2).

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